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0066 - Baumgartner Papiers Holding SA

Recommandation Baumgartner Papiers Holding SA du 4 juillet 2000

Dérogation à l'obligation d'Edelman Value Partners L.P., New York, USA, Ede

A.
Baumgartner Papiers Holding SA (Baumgartner) est une société anonyme dont le siège est à Crissier, dans le canton de Vaud. Son capital est de CHF 13'000'000, divisé en 130'000 actions nominatives d'une valeur nominale de CHF 100.-- chacune. Ses actions sont cotées au marché principal de la Bourse suisse.

B.
Le 17 juin 1994, Baumgartner a adopté un nouvel article 9 dans ses statuts, dont la teneur est la suivante:

"Le conseil d'administration peut refuser d'inscrire un acquéreur d'actions nominatives en tant qu'actionnaire à part entière pour autant que le nombre d'actions qu'il détient dépasse trois pour-cent du total des actions nominatives inscrites au registre des actions.

Les personnes morales et les sociétés de personnes ayant la capacité juridique qui sont regroupées entre elles par des liens en capital, en voix, par le biais d'une direction unique ou sous toute forme analogue, ainsi que des personnes physiques ou morales ou des sociétés de personnes qui agissent de façon coordonnée en vue d'éluder les restrictions en matière d'inscription, sont considérées comme un seul acquéreur du point de vue de cette disposition."

A la date de l'entrée en vigueur de cette disposition, les principaux actionnaires de la société étaient les suivants:


 

C.
Le 10 juin 1998, Baumgartner a publié dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) que Edelman Value Partners L.P., New York, USA, et Edelman Value Fund Ltd., Luxembourg, détenaient de concert 6.2% de ses droits de vote. Les sociétés luxembourgeoises Paper I Partners L.P. et Paper II Partners L.P. ont par la suite rejoint le groupe (FOSC du 23 juillet 1998), dont la participation a successivement franchi les seuils de 10% (FOSC du 6 août 1998), puis de 20% des droits de vote (FOSC du 29 décembre 1998). Cette participation a finalement atteint 35'096 actions ou 27.0% des droits de vote, après que The Wimbledon Fund, Ltd., Nassau, Bahamas, ait également rejoint le groupe (FOSC du 17 décembre 1999).

De leur côté, Baumgartner, la Caisse de retraite de Baumgartner Papiers SA, Crissier, (la Caisse de retraite) et la Fondation en faveur du personnel de Baumgartner Papiers SA, Crissier, (la Fondation de prévoyance) ont annoncé qu'ils constituaient un groupe organisé et détenaient de concert 11.2% des droits de vote de la société (FOSC du 4 septembre 1998).

D.
A plusieurs reprises, le groupe Edelman a demandé à être inscrit au registre des actions de Baumgartner en qualité d'actionnaire avec droit de vote pour l'ensemble de sa participation. Baumgartner a refusé d'accéder à ces requêtes pour la part dépassant la limite statutaire de 3%.

E.
Le 25 avril 2000, le groupe Edelman a informé la Commission des OPA qu'il détenait environ 30% des actions de Baumgartner et envisageait d'acheter des titres dont l'acquisition lui ferait franchir le seuil de 331/3% des droits de vote. Il désirait être renseigné sur la possibilité d'être dispensé de l'obligation de présenter une offre aux actionnaires de la société. Le 5 mai 2000, le Président de la Commission des OPA a indiqué qu'une requête de dérogation ne serait pas d'emblée vouée à l'échec s'il pouvait être établi que Baumgartner avait refusé d'inscrire le groupe Edelman au registre des actions pour l'ensemble de sa participation alors qu'elle n'avait pas imposé de restriction comparable à d'autres actionnaires.

Le 25 mai 2000, le groupe Edelman a demandé à être dispensé de l'obligation de présenter une offre aux actionnaires de Baumgartner, pour le cas où il franchirait le seuil de 331/3% des droits de vote. Une délégation composée de M. Hans Caspar von der Crone (président), de M. Ulrich Oppikofer et de Mme Anne Héritier Lachat a été constituée pour se prononcer sur l'affaire. Invité à se déterminer sur la requête du groupe Edelman, le conseil d'administration de Baumgartner s'est opposé à l'octroi de la dérogation demandée. A la demande du président de la Commission des OPA, il a indiqué qu'au 7 juin 2000, son actionnariat avait à sa connaissance la composition suivante:

 

Considérants:

1. Motif de la dérogation

1.1
En lui-même, le refus d'une société d'inscrire un actionnaire au registre des actions avec droit de vote ne suffit pas à justifier une dérogation à l'obligation d'offre. Le législateur fédéral a voulu que l'actionnaire dont la participation dépasse 331/3% des voix ait l'obligation de présenter une offre "qu'il soit habilité à en faire usage ou non" (art. 32 al. 1 LBVM). Admettre un juste motif de dérogation chaque fois que les droits de vote sont suspendus en application d'une clause statutaire d'agrément reviendrait à priver cette disposition de sa substance.

Toutefois, la requête de dérogation du groupe Edelman ne se fonde pas seulement sur un refus d'inscription comme actionnaire avec droit de vote. Le groupe fait valoir une application arbitraire et donc illicite de la clause d'agrément de l'art. 9 des statuts. Le conseil d'administration de Baumgartner lui aurait refusé son inscription au registre des actions comme actionnaire avec droit de vote pour la part dépassant la limite statutaire de 3% alors que d'autres actionnaires n'auraient pas été soumis à une restriction comparable. Il y a donc lieu d'examiner si l'inégalité de traitement alléguée est avérée en fait (c. 1.2 ci-dessous), si elle contrevient au droit des sociétés (c. 1.3) et, si tel est le cas, si une telle pratique permet de déroger à l'obligation d'offre en application des art. 32 al. 2 LBVM et 34 OBVM-CFB (c. 1.4).

1.2 Application discriminatoire de la clause d'agrément de l'art. 9 des statuts

Le fait que le conseil d'administration de Baumgartner ait fait une application sélective de sa clause statutaire d'agrément est établi. Lors de l'adoption de l'art. 9 des statuts, le conseil a inscrit les actionnaires au registre des actions pour la totalité de leur participation. Il s'est en cela conformé au principe de la non-rétroactivité des clauses statutaires d'agrément (P. Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2ème éd. Zurich, 1996, 353 N. 592). Cette attitude ne saurait donc lui être reproché. Toutefois, le conseil d'administration a ensuite accepté d'inscrire avec droit de vote les actions supplémentaires acquises par certains actionnaires dont la participation avait déjà atteint la limite statutaire de 3%. Ainsi, 3'383 actions (2.6% des droits de vote) acquises par la Banque cantonale vaudoise (BCV) et 1'530 actions (1.2% des droits de vote) acquises par la Caisse de retraite ont été inscrites avec droits de vote au registre des actions, alors que les propriétaires de ces titres détenaient déjà 14.1%, respectivement 5.2% des droits de vote lors de l'entrée en vigueur de la clause d'agrément.

1.3 Violation de l'art. 685d CO

1.3.1
Le conseil d'administration de Baumgartner ne conteste pas que l'art. 9 des statuts ait été appliqué de façon plus stricte au groupe Edelman qu'à d'autres actionnaires. Il considère néanmoins que cette inégalité de traitement est justifiée par des considérations objectives. La BCV aurait contribué au développement de l'entreprise en participant à son financement. Le traitement privilégié de la Caisse de retraite se justifierait par "des relations à la fois historiques et sociales avec la société" et par le soutien à long terme des projets industriels de cette dernière. Le groupe Edelman, au contraire, aurait acquis sa participation à des fins exclusivement financières et n'aurait pas contribué au développement de l'entreprise.

1.3.2 La question de savoir si une clause d'agrément a été appliquée conformément à la loi ou aux statuts relève du droit des sociétés. En principe, la Commission des OPA ne se prononce sur d'éventuelles violations de cette réglementation que si ces dernières sont manifestes (recommandation Altin AG du 12 avril 1999, c. 3.2). Cette règle connaît néanmoins une exception lorsque l'application de la réglementation sur les OPA dépend de l'examen préalable d'une question relevant du droit des sociétés (Häfelin/Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 3ème éd., Zurich, 1998, 13 N. 48). Tel est le cas en l'espèce. Une application sélective d'une clause d'agrément ne peut justifier une dérogation à l'obligation d'offre que si elle contrevient à l'art. 685d CO. Pour traiter la requête de dérogation qui lui est soumise, la Commission des OPA doit donc déterminer à titre préjudiciel si cette disposition a été respectée. Elle n'est pas tenue de suspendre sa procédure jusqu'à droit connu sur une éventuelle action civile (Häfelin/Müller, op. cit., 14 N. 54). Une telle suspension serait d'ailleurs incompatible avec l'impératif de célérité de la procédure, qui est déterminant en matière boursière (art. 55 al. 2 OOPA). Le fait que les membres du groupe Edelman disposent en principe de l'action prévue par l'art. 685f al. 4 CO est donc sans pertinence en l'espèce.

1.3.3 L'argument selon lequel le traitement préférentiel réservé à certains actionnaires serait conforme au droit des sociétés doit être rejeté. La doctrine considère que l'octroi d'éventuelles dérogations à une clause d'agrément doit respecter le principe d'égalité de traitement. Il doit donc se fonder sur des motifs objectifs et reposer sur une pratique exempte d'arbitraire (Kläy, Die Vinkulierung, Bâle, 1997, 229-230; Böckli, op. cit., 354-355 N. 597-598; du Pasquier/Oertle, in Honsell/Vogt/Watter (éd.), Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht – Obligationenrecht II, Bâle, 1994, N. 13 ad art. 685d). Or les motifs par lesquels le conseil d'administration de Baumgartner cherche à justifier le traitement particulier dont ont bénéficié certains actionnaires ne sont pas pertinents et la politique d'inscription au registre des actions de Baumgartner ne peut pas être qualifiée de cohérente. Des relations d'affaires usuelles telles que l'octroi de crédits ne peuvent pas justifier le traitement privilégié dont la BCV a fait l'objet en l'espèce. Il en va de même des "relations à la fois historiques et sociales" que la Caisse de retraite entretient avec la société. Poussé dans ses dernières conséquences, l'argumentation du conseil d'administration de Baumgartner conduirait à considérer qu'une institution de prévoyance n'est jamais soumise aux clauses d'agrément des sociétés qui lui sont affiliées. L'art. 685d CO n'offre aucun support pour une telle interprétation. Enfin, le fait que la prise de participation du groupe Edelman soit motivée par des considérations financières ne permet pas non plus de justifier une inégalité de traitement. La société anonyme est une société de capitaux. Les actionnaires n'ont pas d'autre obligation à l'égard de la société que la libération de leur apport (art. 680 al. 1 CO). Ils n'ont en particulier aucune obligation de gestion. Le conseil d'administration ne saurait donc tirer argument des motivations "financières" d'un actionnaire pour lui refuser le droit de vote. Une telle politique serait également inconciliable avec une cotation en bourse, qui doit garantir le transfert des droits de participation entre des investisseurs n'entretenant en principe pas de relation avec l'émetteur.

1.3.4 En réalité, le conseil d'administration de Baumgartner ne revendique rien moins que la faculté de définir la composition de l'actionnariat selon son bon vouloir et de refuser le droit de vote aux actionnaires qui ne sont pas favorables à sa politique. Une telle conception est incompatible avec l'art. 685d CO, qui n'autorise qu'un seul motif de refus d'inscription avec droit de vote au registre des actions: le dépassement d'une limite de participation, exprimée en pour-cent.

1.3.5 Une inégalité de traitement étant établie entre le groupe Edelman, d'une part, et la BCV ainsi que la Caisse de retraite, d'autre part, il est superflu de déterminer si l'inscription d'autres actionnaires au registre des actions a été faite en conformité avec l'art. 685d CO. Quoi qu'il en soit, l'argument selon lequel le traitement discriminatoire dont le groupe Edelman a fait l'objet serait conforme au droit des sociétés doit être rejeté.

1.4 Application discriminatoire d'une clause d'agrément comme motif de dérogation à l'obligation d'offre
Le conseil d'administration de Baumgartner conteste que l'application discriminatoire d'une clause d'agrément puisse justifier une dérogation à l'obligation d'offre. Il considère que la problématique relève exclusivement du droit des sociétés et ne peut pas avoir d'influence sur l'application de la réglementation boursière.

1.4.1 Cette argumentation ne peut pas être retenue. Le principe d'égalité de traitement ne relève pas seulement du droit des sociétés. Il s'agit également d'un principe cardinal du droit boursier (art. 1er et 24 al. 2 LBVM). La Commission des OPA doit en tenir compte pour appliquer la réglementation sur les offres publiques d'acquisition, de même que de l'impératif de loyauté (art. 1er OOPA). La LBVM a notamment pour but de "crée[r] les conditions propres à assurer le bon fonctionnement des marchés des valeurs mobilières". En matière d'offre publique d'acquisition, elle doit assurer le déroulement régulier du processus de prise de contrôle (Bernet, Die Regelung öffentlicher Kaufangebote im neuen Börsengesetz (BEHG), Berne, 1998, 79-80; Frei, Öffentliche Übernahmeangebote in der Schweiz, 2ème éd., Berne, 1998, 132-133). Cet objectif correspond à un intérêt public, dans la mesure où il permet à ceux qui estiment pouvoir obtenir le meilleur rendement d'une société d'en acquérir le contrôle. Il garantit ainsi l'acheminement des capitaux vers les entreprises les plus aptes à les faire fructifier (Frei, op. cit., 129-130). Pour ce motif, en cas de tentative de mainmise, la loi doit garantir que l'acquéreur potentiel et le conseil d'administration de la société visée soient placés sur un pied d'égalité (Tschäni/Oertle, in Vogt/Watter (éd.), Kommentar zum schweizerischen Kapitalmarktrecht, Bâle, 1999, N. 2 ad art. 22 LBVM). Tel ne serait pas le cas si le conseil d'administration avait la possibilité d'empêcher une prise de contrôle par des mesures illicites. Renoncer à tenir compte d'une violation de l'art. 685d CO pour l'application du droit des OPA reviendrait à octroyer un avantage systématique au conseil d'administration en cas de prise de participation inamicale. Une telle distorsion du marché des prises de contrôle compromettrait le fonctionnement régulier du marché suisse des capitaux et contreviendrait ainsi à l'un des principaux objectifs de la LBVM. L'octroi temporaire de la dérogation requise (voir les considérants 1.4.2 et 1.4.3 ci-dessous) permettra de rétablir l'égalité des chances des parties que la politique du conseil d'administration de Baumgartner a compromise.

1.4.2 La dérogation requise sera donc accordée. La politique d'inscription discriminatoire au registre des actions ne figure pas parmi les exemples de motif de dérogation énumérés aux art. 32 al. 2 LBVM et 34 al. 2 OBVM-CFB. Ce type de situation présente cependant une similitude avec l'hypothèse envisagée par l'art. 34 al. 2 lit. a OBVM-CFB (absence de prise de contrôle, en raison de la présence d'un actionnaire détenant un nombre de voix supérieur). Cette similitude, ainsi que les motifs exposés au considérant 1.4.1 ci-dessus, justifient l'application de la clause générale de dérogation de l'art. 34 al. 1 OBVM-CFB.

1.4.3 L'octroi de la dérogation étant justifié par une politique discriminatoire d'inscription au registre des actions, ses effets seront liés au maintien de cette politique. La dérogation deviendra donc caduque dès que les titres du groupe Edelman auront été inscrits avec droit de vote au registre des actions. Compte tenu de l'application sélective qu'elle a faite par le passé de l'art. 9 de ses statuts, Baumgartner ne peut pas se prévaloir maintenant de sa clause d'agrément pour s'opposer à cette inscription sans commettre un abus de droit (voir Kläy, op. cit., 231-232). Toutefois, on ne saurait présumer que Baumgartner poursuivra sa politique discriminatoire à l'avenir. Pour que la dérogation à l'obligation d'offre soit révoquée, Baumgartner pourra donc se limiter à inscrire avec droit de vote la participation actuelle du groupe Edelman. Le refus d'inscrire les titres acquis par le groupe dans le futur ne fera pas obstacle à une obligation d'offre, si ce refus s'inscrit dans une politique de mise en œuvre non arbitraire de l'art. 9 des statuts. En outre, en application de l'art. 34 al. 3 OBVM-CFB, la dérogation sera assortie de la charge, pour les membres du groupe Edelman, de requérir l'inscription de leur participation actuelle au registre des actions et, dès que cette inscription aura été effectuée, de présenter une offre publique d'acquisition conforme aux règles de l'art. 32 LBVM, dans l'hypothèse où ils auraient alors franchi le seuil de 331/3% des droits de vote. La dérogation à l'obligation d'offre devant rétablir l'équilibre entre les parties et éviter que le groupe Edelman soit contraint de présenter une offre alors qu'il fait l'objet de mesures de défense illicites, elle deviendra caduque si le groupe Edelman décide de présenter une offre spontanée. Dans une telle hypothèse, les règles sur l'offre obligatoire devront être respectées. L'offre devra alors porter sur l'ensemble des actions de Baumgartner (art. 29 OBVM-CFB) et respecter les règles concernant le prix minimum de l'offre obligatoire (art. 37 ss OBVM-CFB). En outre, elle ne pourra être soumise à des conditions que pour de justes motifs (art. 32 al. 2 OBVM-CFB).

1.4.4 Le conseil d'administration de Baumgartner fait valoir qu'en dérogeant à l'obligation d'offre, la Commission des OPA compromettrait les intérêts des actionnaires minoritaires. Elle les priverait en effet de la possibilité de se voir présenter une offre obligatoire. Cette affirmation est inexacte. Les règles sur l'offre obligatoire doivent assurer la protection des actionnaires minoritaires en cas de changement de contrôle. Le conseil d'administration ne peut pas invoquer les intérêts des minoritaires à se voir présenter une offre, car il a jusqu'ici cherché à empêcher la prise de participation du groupe Edelman. Ce faisant, il a lui-même compromis les chances des minoritaires de se voir présenter une offre. Toutefois, cette situation n’est que temporaire, puisque la dérogation n’est pas limitée dans le temps, d’une part, et que l’offre est seulement différée, d’autre part, jusqu'à ce que l'égalité de traitement des actionnaires soit à nouveau garantie. En outre, le conseil d'administration pourra en tout temps obliger le groupe Edelman à présenter une offre aux minoritaires, en inscrivant ses membres avec droit de vote au registre des actions.

1.4.5 Le conseil d'administration de Baumgartner fait valoir que l'inégalité de traitement alléguée porte sur un nombre de voix trop peu important pour justifier une dérogation à l'obligation d'offre. Depuis l'adoption de l'art. 9 des statuts, la BCV n'aurait acquis que 3'383 voix exerçables supplémentaires et la Caisse de retraite 1'530. Les droits de vote accordés de façon illégale ne représenteraient donc que 3.8% de l'ensemble des voix de la société, ce qui serait négligeable. Ce point de vue ne peut pas être partagé. Le conseil d'administration de Baumgartner a estimé que les participations acquises en sus du seuil de 3% par la BCV et la Caisse de retraite étaient suffisamment importantes pour qu'une dérogation à l'art. 9 des statuts soit opportune. Il ne peut pas maintenant en invoquer le caractère insignifiant pour échapper aux conséquences de sa politique. En outre, la participation inscrite en violation de l'art. 685d CO ne peut pas être qualifiée de négligeable. Elle représente environ 5.4% des droits de vote exerçables à l'assemblée générale. Son inscription illicite au registre des actions a permis à la BCV, à la Caisse de retraite, à la Fondation de prévoyance ainsi qu'à Mmes Lisette Grandjean et Andrée Devenoge-Grandjean (actionnaires qui – selon les propres allégations de Baumgartner – sont proches de la société) de faire passer leur participation d'environ 45.9% à 48.8% des droits de vote exerçables à l'assemblée générale. L'expérience de la vie montre que les participations approchant 50% des droits de vote sont sensibles du point de vue du contrôle. On ne peut pas exclure que l'application sélective de l'art. 9 des statuts ait permis aux actionnaires proches du conseil d'administration d'asseoir un contrôle de fait sur l'assemblée générale. Le conseil d'administration ne peut donc pas prétendre que le comportement discriminatoire qui lui est reproché ait été dépourvu de conséquences pratiques.

1.4.6 Une dérogation à l'obligation d'offre ne saurait être octroyée sans limite de temps. Celle prévue au considérant 1.4.2 ci-dessus deviendra donc caduque si le groupe Edelman ne franchit pas le seuil de 331/3% des droits de vote dans un délai de six mois à compter de la présente recommandation, soit le 5 janvier 2001.

2. Publication de la prise de position de Baumgartner

La présente dérogation sera assortie de la charge, pour Baumgartner, de publier un résumé de la prise de position que son conseil d'administration a adressée à la Commission des OPA le 7 juin 2000. Cette mesure est nécessaire pour permettre aux actionnaires de faire usage en connaissance de cause du droit d'opposition dont ils disposent en vertu de l'art. 34 al. 4 OBVM-CFB. Compte tenu de la similitude de situation dans laquelle se trouve le conseil d'administration appelé à se prononcer sur une offre publique d'acquisition ou sur une requête de dérogation à l'obligation d'offre, les art. 29 al. 1 LBVM et 29 ss OOPA seront applicables par analogie à cette prise de position (recommandation Banque cantonale de Genève du 29 mai 2000, c. 1 et 3). Ainsi, conformément à l'art. 31 OOPA, le conseil d'administration devra notamment préciser si certains de ses membres sont en situation de conflit d'intérêts et, le cas échéant, indiquer les mesures qui ont été prises pour éviter que cette situation porte préjudice aux actionnaires. En outre, un résumé de la prise de position du conseil devra être publiée dans au moins un journal de langue française et un journal de langue allemande, de manière à atteindre une diffusion nationale. Le rapport devra aussi être communiqué à l'un au moins des principaux médias électroniques diffusant des informations boursières (art. 32 OBVM-CFB). La publication devra intervenir le jour de l'indication de l'octroi de la dérogation dans la Feuille officielle suisse du commerce, soit le 13 juillet 2000. Elle devra être accompagnée d'une reproduction du texte de l'art. 34 al. 4 OBVM-CFB.

3. Publication de la présente recommandation

L'octroi de la dérogation sera en outre publié dans la Feuille officielle suisse du commerce le 13 juillet 2000 (art. 34 al. 4 OBVM-CFB). La présente recommandation sera publiée le 10 juillet 2000 sur le site Internet de la Commission des OPA, en application de l'art. 23 al. 3 LBVM.

4. Emolument

Conformément aux art. 23 al. 5 LBVM et 62 al. 6 OOPA, un émolument est perçu pour l'examen de la présente requête de dérogation. Cet émolument est fixé en l'espèce à CHF 30'000.--. Les requérants sont solidairement responsables de son paiement.



Fondée sur ce qui précède, la Commission des OPA adopte la recommandation suivante:

  1. Edelman Value Partners L.P., Edelman Value Fund Ltd., Paper I Partners L.P., Paper II Partners L.P. et The Wimbledon Fund Ltd. (le groupe Edelman) sont libérés de l’obligation de présenter une offre publique d'acquisition aux actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA, dans l'hypothèse où les sociétés du groupe franchiraient de concert le seuil de 33 1/3% des droits de vote de cette société.
  2. Cette dérogation deviendra caduque:

    2.1 dès que les sociétés du groupe Edelman auront été inscrites avec droit de vote au registre des actions de Baumgartner Papiers Holding SA pour l'intégralité de la participation dont elles disposent à ce jour;

    2.2 si, le 5 janvier 2001, le groupe Edelman n'a pas franchi le seuil de 33 1/3% des droits de vote de Baumgartner Papiers Holding SA;    

    2.3 si un ou plusieurs membres du groupe Edelman présente une offre publique d'acquisition aux actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA.
  3. La présente dérogation est assortie des charges suivantes:

    3.1 pour les sociétés du groupe Edelman,

    • de requérir jusqu'au 11 juillet 2000 l'inscription avec droit de vote au registre des actions de Baumgartner Papiers Holding SA de la participation dont elles sont titulaires au 4 juillet 2000.
    • dès que cette inscription aura été obtenue, et dans la mesure où elles détiennent de concert plus de 33 1/3% des droits de vote de Baumgartner Papiers Holding SA, de présenter une offre publique d'acquisition conforme aux règles de l'art. 32 LBVM aux actionnaires de la société.

  4. 3.2 pour Baumgartner Papiers Holding SA, de publier un résumé de la prise de position de son conseil d'administration sur la dérogation requise. La publication devra contenir les éléments prévus par les art. 29 ss OOPA. Elle devra être faite le 13 juillet 2000 dans au moins un journal de langue française et un journal de langue allemande, de manière à atteindre une diffusion nationale. La prise de position devra aussi être communiquée à l'un au moins des principaux médias électroniques diffusant des informations boursières. Elle devra être accompagnée d'une reproduction du texte de l'art. 34 al. 4 OBVM-CFB.

  5. La présente recommandation sera publiée le 10 juillet 2000 sur le site Internet de la Commission des OPA.
  6. L'émolument à la charge du groupe Edelman s'élève à CHF 30'000.--.

 

Le Président:


Hans Caspar von der Crone

 

Les parties peuvent rejeter la présente recommandation par un acte écrit qui doit parvenir à la Commission des OPA au plus tard cinq jours de bourse après réception de la recommandation. Ce délai peut être prolongé par la Commission des OPA. Il commence à courir en cas de notification par télécopie. Une recommandation non rejetée dans le délai de cinq jours de bourse est réputée acceptée par les parties. Lorsqu'une recommandation est rejetée, n'est pas exécutée dans le délai fixé ou lorsqu'une recommandation acceptée n'est pas respectée, la Commission des OPA transmet le dossier à la Commission des banques pour ouverture d'une procédure administrative.


Communication:

  • à Edelman Value Partners L.P., Edelman Value Fund Ltd., Paper I Partners L.P., Paper II Partners L.P. et The Wimbledon      Fund Ltd., par l'intermédiaire de leurs conseils,
  • à Baumgartner Papiers Holding SA, par l'intermédiaire de leurs conseils,
  • à la CFB.